Une brève histoire de l’abbaye
L’imposant corps de logis des 17ème et 18ème siècles qui accueille les visiteurs de l’ancienne abbaye Notre-Dame témoigne encore aujourd’hui de l’importance de la communauté monastique qui vit le jour ici, à proximité du cours de l’Oise, au 12ème siècle. C’est Simon de Vermandois, évêque de Noyon, qui est l’initiateur de sa fondation, en 1129. L’abbaye est affiliée à l’ordre cistercien – elle est la septième « fille » de Clairvaux – et une première église, dont il ne reste rien, est consacrée dès 1134.
Une seconde église est entreprise en 1154 suite à une donation d’Ode de Roye. Terminée dans les années 1170, elle n’est consacrée qu’en 1201. A partir de 1232, l’église est dotée d’un nouveau choeur, au plan plus vaste et plus complet, déjà achevé en 1257, à la mort de l’abbé Guillaume. La guerre de Cent Ans marque la fin de la grande période de l’abbaye, qui comptait 120 moines de choeur et 80 frères convers en 1358. La mise en commende – le premier abbé commendataire est Charles de Bourbon – intervient en 1556 et une reconstruction partielle des bâtiments conventuels est commencée par Louis de Lorraine en 1677. Elle sera continuée à partir de 1745 pour aboutir au vaste ensemble actuel.
Vendue comme bien national à la suite de la Révolution, l’ancienne abbaye est partiellement détruite – nef de l’église, cloître – tandis que le choeur est transformé en ruine romantique par son propriétaire d’alors, M. de Sainte-Foy. Ourscamp devient une manufacture en 1825 et la guerre 14-18 ajoute sa part à la dégradation des bâtiments. Restaurés partiellement, ils abritent depuis 1941 la congrégation des Serviteurs de Jésus et de Marie.
L’église du 12ème siècle
S’il en reste peu de choses aujourd’hui – la façade, cachée par celle élevée au 18ème siècle, et une partie du transept – l’église de la seconde moitié du 12ème siècle peut être facilement reconstituée. Longue d’une centaine de mètres pour 19,40 mètres de hauteur sous voûte, elle comprenait une nef de neuf travées avec bas-côtés, précédée d’un porche ; faisaient suite un transept débordant débouchant sur un choeur à chevet plat, de deux travées, et dont les bras desservaient trois chapelles carrées au sud et quatre au nord.
Si celles-ci comportaient des voûtes en berceau brisé, le reste de l’édifice était couvert de voûtes d’ogives dont l’adoption avait, peut-être, été effectuée en cours de construction, le projet initial incluant, sans doute, des voûtes d’arêtes. L’élévation de la nef n’avait que deux niveaux séparés par un bandeau mouluré : grandes arcades retombant sur des piles cruciformes et fenêtres hautes, longues et étroites.
Par son plan comme par ses dispositions générales, l’église du 12ème siècle adoptait un schéma commun à l’ordre cistercien, dont les grands traits avaient été fixés au début du 12ème siècle en Bourgogne lors de la construction des premières abbayes. La seule marque régionale notable, outre l’adoption précoce de la voûte d’ogives, était constituée par la corniche beauvaisine, présente sur tout l’édifice comme le montre une gravure du début du 19ème siècle et encore visible en façade, derrière « l’écran » du 18ème siècle, ainsi qu’aux chapelles conservées du bras nord du transept.
Le choeur du 13ème siècle et les modifications du transept
Suivant en cela d’autres exemples, l’église est dotée d’un nouveau choeur sur un plan beaucoup plus ample au 13ème siècle. Démarrés en 1232, les travaux se sont étendus sur une vingtaine d’années. Relativement bien préservé si l’on excepte la disparition des voûtes – des croisées d’ogives ont cependant été conservées intentionnellement – et des chapelles, son plan comprend un vaisseau central de trois travées flanquées de doubles bas-côtés et une abside avec déambulatoire sur lequel se greffent cinq chapelles rayonnantes de plan pentagonal. Les choeurs des églises cisterciennes de Royaumont et de Longpont adoptent, à la même époque, des plans très proches.
A l’ampleur du plan – quatre chapelles du transept du 12ème siècle ont dû être détruites pour permettre la « greffe » du nouveau choeur – répond, en revanche, la simplicité d’une élévation à deux étages, comme à la nef et avec une hauteur sous voûtes semblable à cette dernière. Les grandes arcades au tracé brisé très accentué sont directement surmontées par les fenêtres hautes composées de deux lancettes surmontées d’un oculus, les deux niveaux s’équilibrant parfaitement. Le faux triforium actuel résulte d’une modification ultérieure et le choeur d’Ourscamp est le premier à adopter une telle élévation simplifiée et totalement ouverte associée à un déambulatoire et des chapelles rayonnantes, préfigurant en cela une formule très prisée par le gothique tardif.
Les retombées des voûtes s’effectuent sur des piles circulaires flanquées d’une (abside) ou trois (travées droites) colonnettes et, dans les bas-côtés, sur de minces piles cruciformes accostées de huit colonnettes. Cette reconstruction des parties orientales s’est accompagnée d’une reprise totale des deux travées contiguës du transept, privées de leurs chapelles du 12ème siècle au profit de deux arcades débouchant sur les doubles bas-côtés du choeur et, au-dessus, ajourées par une immense fenêtre à quatre lancettes et trois oculi. Inondé de lumière grâce à sa structure squelettique privilégiant les ouvertures et d’un extrême raffinement dans la mise en oeuvre de ses détails architecturaux, le choeur de Notre-Dame d’Ourscamp pouvait compter au rang des chefs d’oeuvre de l’architecture gothique rayonnante.
L’infirmerie ou « salle des morts »
A peu de distance du chevet de l’église, et orienté selon un axe nord-sud, s’est conservé un imposant bâtiment monastique (sa longueur est de 50 mètres) contemporain du choeur et dénommé indifféremment infirmerie, ou salle des morts. Bien restauré après la Guerre 14-18, il se compose de trois nefs de neuf travées, la nef centrale étant légèrement plus haute et plus large. Les voûtes d’ogives retombent au centre sur deux files de huit piles circulaires par l’intermédiaire de chapiteaux à crochets avec tailloir octogonal. L’ensemble, d’une extrême élégance, est comparable aux plus belles salles monastiques de l’époque. Les murs latéraux montre un curieux agencement des ouvertures avec, pour chaque travée, trois petites baies brisées surmontées de deux baies rectangulaires et d’un oculus. Cette disposition, qui devait s’expliquer par un cloisonnement en bois aujourd’hui disparu, semble plutôt accréditer la thèse d’une infirmerie. L’extérieur est remarquable par le rythme qu’imposent les contreforts plats réunis par des arcs de décharge en plein cintre. Utilisé comme chapelle, l’édifice possède un magnifique ensemble de stalles Louis XIII (2008).
Chronologie :
Points d'intérêt :
Galerie :
Bibliographie :
- Achille PEIGNE-DELACOURT, Histoire de l’abbaye Notre-Dame d’Ourscamp, Amiens, 1876.
- H. du SOMMERARD, « Abbaye de Notre-Dame d’Ourscamp, La salle des morts (Oise) », Les Monuments Historiques de France à l’Exposition universelle de Vienne (en 1873), Paris, 1876, p. 155-159.
- Emile COËT, Notice historique et statistique sur les communes de l’arrondissement de Compiègne, Compiègne, 1883.
- Eugène LEFEVRE-PONTALIS, Congrès archéologique de France, 72ème session, Beauvais, 1905, Société française d’archéologie, Paris et Caen, 1906, p. 165-169.
- Alfred PONTHIEUX, « Les derniers religieux des Abbayes et Couvents de Noyon en 1790 », Comité Historique et Archéologique de Noyon, Comptes-rendus et mémoires, t. 24, 2ème partie, 1934, p. 182-190.
- Pierre HELIOT, « Le chœur gothique de l’abbaye d’Ourscamp et le groupe de Longpont dans l’architecture cistercienne », Bulletin de la Société nationale des Antiquaires de France, 1957, p. 146-162.
- Francis SALET, Compte-rendu de l'article de Pierre Héliot : « Le chœur gothique de l’abbaye d’Ourscamp et le groupe de Longpont dans l’architecture cistercienne », Bulletin monumental, 1960-1, p. 66-67.
- Anselme DIMIER, « La salle des morts… », Oise Tourisme, n° 18, 1971, p. 14-15.
- Caroline A. BRUZELIUS, « Cistercian High Gothic : the abbey church of Longpont and the architecture of the Cistercians in the early thirteenth-century », Analecta Cisterciensia, t. 35, 1979, n° 1-2, p. 3-156.
- Caroline A. BRUZELIUS, « The Twelfth-Century Church at Ourscamp » Speculum, 56.1, 1980, p. 28-40.
- Maryse BIDEAULT et Claudine LAUTIER, Ile-de-France gothique, 1, Ourscamp, Abbaye Notre-Dame, p. 271-280, Paris, 1987.
- Dominique VERMAND, Eglises de l’Oise. Pays de Sources et Vallées. Cantons de Guiscard, Lassigny, Noyon, Ressons-sur-Matz et Ribécourt, Comité Départemental du Tourisme de l’Oise, Sources et Vallées et Europe, 2008, in-8° de 110 p., p. 26-29 (voir texte ci-dessus).
Sites internet :
Documents :
- L’Oise et la façade ouest de l’abbaye au 18ème siècle par Tavernier de Jonquières (Bnf).
- La salle des morts de l’abbaye au 18ème siècle par Tavernier de Jonquières (Bnf).
- L’intérieur de la salle des morts de l’abbaye au 18ème siècle par Tavernier de Jonquières (Bnf).
- Restition du plan de l’église du 12ème siècle par Eugène LEFEVRE-PONTALIS dans Congrès archéologique de France, 72ème session, Beauvais, 1905, Société française d’archéologie, Paris et Caen, 1906, face p. 166.
- Coupe de l’infirmerie par A. LAINE dans Congrès archéologique de France, 72ème session, Beauvais, 1905, Société française d’archéologie, Paris et Caen, 1906, face p. 168
- Extrait de Alphonse de CAYEUX, Charles NODIER et Justin TAYLOR, Voyages pittoresques et romantiques dans l’ancienne France, Picardie, vol. 3, Paris, 1845.
- Extrait de Alphonse de CAYEUX, Charles NODIER et Justin TAYLOR, Voyages pittoresques et romantiques dans l’ancienne France, Picardie, vol. 3, Paris, 1845.