L’église Notre-Dame intrigue par sa curieuse façade asymétrique très ouvragée, dominée par un clocher roman que prolonge une haute flèche octogonale en pierre. Très complexe car souvent réparé et remanié, cet édifice ne peut être compris qu’en restituant chronologiquement les différentes étapes de sa construction.
La partie la plus ancienne est le clocher, qui comportait initialement deux étages de baies géminées en plein cintre garnies de colonnettes. Seul le second étage est totalement visible aujourd’hui et le style de ses chapiteaux indique le milieu du 12ème siècle. A la base, quelques éléments d’arcades et des tailloirs montrent que ce clocher était à l’origine une tour de croisée et non un clocher porche comme on l’a parfois écrit : sa position actuelle en façade résulte en fait de la disparition de la nef qui, jusqu’au 15ème siècle, s’étendait à l’ouest. Rien n’est connu sur cette nef ni sur le chœur qui accompagnaient alors ce clocher.
Vers le milieu du 13ème siècle, ce chœur est démoli pour faire place à un ensemble plus ambitieux comprenant un vaisseau central de deux travées bâties dans le prolongement de la base du clocher et du croisillon sud – son axe est donc décalé vers le sud par rapport à celui de l’église précédente – tandis qu’un bas-côté est construit dans le prolongement du croisillon nord. Malgré les modifications ultérieures, ces parties sont encore bien conservées et montrent un bel ensemble de chapiteaux à crochets finement travaillés et, au nord, des fenêtres avec deux lancettes surmontées d’un trilobe. Le mur gouttereau sud garde encore la trace des deux immenses fenêtres qui s’ouvraient de ce côté. Par sa largeur et son volume très unifié, ce chœur s’inscrivait dans le courant le plus novateur de l’architecture de son temps.
Après la Guerre de Cent ans, sans doute fatale à la nef, l’église subit une nouvelle fois de profondes transformations. Au sud, un bas-côté vient faire pendant à celui du nord et une nouvelle façade réunit dans une composition harmonieuse et raffinée, expression parfaite du gothique flamboyant, des parties jusque-là disparates.
C’est également de cette époque que date la belle flèche octogonale en pierre ajourée d’ouvertures rectangulaires ou polylobées et aux arêtes garnies de crochets. Des petites pyramides occupent les angles de la tour selon un schéma classique que l’on retrouve non loin de là à Baron, Montagny-Sainte-Félicité, Versigny et Plailly, ces deux dernières bâties sans doute par le même atelier.
C’est un peu plus tard qu’une troisième travée avec bas-côtés et une abside pentagonale sont rajoutées à l’est. Toutes les voûtes sont avec liernes et tiercerons (c’est-à-dire avec des nervures supplémentaires), selon l’usage du temps. Le réseau des fenêtres et le décor des niches qui, à l’extérieur, habillent les contreforts portent déjà la marque de la Renaissance, ce que confirme la date de 1554 figurant sur le beau vitrail restauré évoquant la Mort et l’Assomption de la Vierge (1996, modifié 2019).
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Bibliographie :
- Louis GRAVES, Précis statistique sur le canton de Nanteuil-le-Haudouin, arrondissement de Senlis (Oise), Beauvais, Achille Desjardins, s.d. (1829).
- Chanoine L. PIHAN, Esquisse descriptive des monuments historiques dans l’Oise, Beauvais, 1889, p. 551-558.
- Abbé Eugène MÜLLER, Senlis et ses environs, Senlis, 1894, p. 155-159.
- Christiane SCHMUCKLE -MOLLARD, L’église d’Eve, Mémoire pour le concours d’Architecte en Chef des Monuments Historiques, 1981.
- Dominique VERMAND, Eglises de l’Oise. Canton de Nanteuil-le-Haudouin. Valois et Multien, Comité Départemental du Tourisme de l’Oise et S.E.P. Valois-Développement, 1996, in-8° de 32 p., p. 12-13 (voir texte ci-dessus).