Surplombant le vallon où s’inscrit fort modestement le cours de l’Aunette, ici au début de son périple, l’ancien prieuré Saint-Victor a aujourd’hui fière allure après plusieurs campagnes de restauration qui se sont achevées en 2012. La chapelle, environnée de bâtiments reconstruits pour l’essentiel au 16ème siècle – dont un très beau pigeonnier classé aux Monuments historiques -, ne s’en distingue que par le haut mur pignon de sa façade.
Sa fondation est due à Guy le Bouteiller qui, en juin 1248, peu de temps avant de partir pour la 7ème Croisade, en exprime la volonté par testament. Il y est stipulé que le prieuré sera affilié à l’ordre de Saint-Augustin et dépendra de l’abbaye Saint-Victor de Paris. Guy le Bouteiller ne reviendra pas de ce périple en Terre Sainte et des difficultés financières empêcheront que les volontés du défunt soient aussitôt concrétisées. Il faudra attendre la confirmation papale d’Alexandre IV en 1259 pour que les travaux commencent et, la veille de Noël 1263, le prieur Raoul de Crécy, accompagné de six chanoines (au lieu de douze prévus initialement), peut enfin s’installer dans les bâtiments sans doute achevés. Dès le 14ème siècle, l’établissement ne sera plus occupé que par un seul religieux portant le titre de prieur.
La chapelle Saint-Victor est un édifice d’une qualité rare. Long de vingt-cinq mètres pour une largeur de près de huit mètres et une hauteur sous clef de onze mètres soixante-dix, son plan, très simple, comprend une nef de quatre travées suivie d’un chœur pentagonal. Une petite chapelle carré, très légèrement postérieure, fait seule excroissance au nord de la dernière travée.
A l’extérieur, le vaisseau et l’abside ne sont rythmés que par l’alternance rigoureuse des contreforts et des fenêtres. Toutes identiques et composées simplement d’une double lancette surmontée d’une rose à six lobes, ces fenêtres ne comportent ni colonnettes ni chapiteaux selon une démarche tendant à l’austérité, caractéristique des constructions de l’ordre de Saint-Augustin. Seul le petit portail ouest, qui a malheureusement perdu ses triples colonnettes à diamètre décroissant, apporte une touche moins rigide.
L’intérieur offre la belle unité spatiale propre aux chapelles palatines ou abbatiales contemporaines. Les voûtes d’ogives sont reçues sur des chapiteaux à crochets, rigoureusement structurés par l’intermédiaire de tailloirs disposés en diagonale (à bec) pour ne pas interrompre visuellement la continuité des lignes de force de l’architecture. Juste avant la dernière travée, les retombées s’effectuent toutefois sur des culs-delampe – sans doute en relation avec une clôture de chœur disparue – dont la sculpture d’une exceptionnelle qualité se retrouve aux clefs de voûte, agrémentées de têtes féminines et masculines, parfois couronnées.
Bâtie avec une grande économie de moyens mais avec un raffinement extrême, la chapelle du prieuré de Bray obéit ainsi aux mêmes préoccupations qui ont guidé la construction peu auparavant – mais sur une échelle beaucoup plus spectaculaire – de ce pur joyau de l’architecture gothique qu’est l’abbatiale – augustinienne également – de Saint-Martin-aux-Bois (1994, modifié 2016).
Chronologie :
Points d'intérêt :
Galerie :
Bibliographie :
- Louis GRAVES, Précis statistique sur le canton de Pont-Sainte-Maxence, arrondissement de Senlis (Oise), Beauvais, Achille Desjardins, 1834.
- M. CALDEL, "Notice sur le prieuré de Bray", Comité Archéologique de Senlis. Comptes-Rendus et Mémoires, 1865, p. 109-128.
- Abbé Eugène MÜLLER, Senlis et ses environs, Senlis, 1894, p. 199-201.
- Pierre-Jean TROMBETTA, « L’architecture religieuse dans l’ancien Diocèse de Senlis (1260-1400) », Société d’Histoire et d’Archéologie de Senlis, Comptes-rendus et Mémoires, 1971-1972, p. 37-40.
- Claudine LAUTIER et Maryse BIDEAULT, Ile-de-France Gothique, Paris, 1987, p. 105-109.
- Jacques TEALDI, « Cinq églises du Valois, étude archéologique », Société d’Histoire et d’Archéologie de Senlis, Comptes-rendus et Mémoires, 1995-1997, p. 197-203.
- Thomas GAUDIG, Perrine LECLERC & Guillaume MOINE, "Le prieuré de Bray à Rully (Oise), XIIIe siècle-XXIe siècle", Société d'Histoire et d'Archéologie de Senlis, Comptes-rendus et Mémoires, 2004-2005, p. 9-32.
- Julie COLAYE et Richard JONVEL, « Histoire et archéologie du prieuré victorin de Bray-sur-Aunette (Oise) », Saint-Martin-aux-Bois (Oise), Histoire et archéologie d'une abbaye de chanoines de saint Augustin (XIe-XVIIIe siècles), Actes des Journées d'étude des mois de mai 2012, 2013 et 2014 organisées par le Centre d'archéologie et d'histoire médiévales des établissements religieux, Histoire Médiévale et Archéologie, Compiègne, 2015, vol. 28, Rennes, 2015, p. 235-265.
- Philippe RACINET et Julie COLAYE, "La reconstruction économique en Picardie (1450-1550), L'exemple du prieuré de Bray-sur-Aunette au diocèse de Senlis", La Picardie flamboyante, arts et reconstruction entre 1450 et 1550, Actes du colloque tenu à Amiens, du 21 au 23 novembre 2012 sous la direction d’Etienne Hamon, Dominique Paris-Poulain et Julie Aycard, Rennes, 2015, p. 27-43.
- Nicolas BILOT (sous la direction de), Le prieuré de Bray-sur-Aunette. Son territoire et son histoire de l'Antiquité à nos jours, Aquilon, 2024, 236 p.