BURY-Arcs-boutants-choeur
Bury : arcs-boutants du choeur (années 1240).

L’arc-boutant externe est un élément d’architecture qui permet de transmettre, par-dessus le bas-côté ou le déambulatoire d’un édifice, la poussée exercée par la voûte du vaisseau central vers un élément de contrebutement appelé culée, qui prolonge le contrefort implanté en périphérie de la construction.

C’est l’emploi de la voûte d’ogives qui, en concentrant les poussées vers des points précis, a rendu nécessaire la mise au point de cet élément afin de permettre aux édifices d’atteindre en toute sécurité des hauteurs sans cesse croissantes (1).

Le problème ne se posait évidemment pas pour des constructions à vaisseau unique ou dépourvus de déambulatoire puisque, dans ce cas, les contreforts pouvaient être montés directement avec les murs gouttereaux. La chapelle royale Saint-Frambourg, à Senlis, en propose un magnifique exemple de la seconde moitié du 12ème siècle.

Elément inséparable de la silhouette des grands édifices gothiques du 13ème siècle et au-delà, l’arc-boutant externe est apparu dès le milieu du 12ème siècle dans des édifices d’une certaine taille dépourvus de tribunes voûtées et il appartiendra à la cathédrale Saint-Etienne de Sens (2) et au chœur de l’abbatiale Saint-Germain-des-Prés, à Paris (3), œuvres du même architecte, d’inaugurer la nouvelle technique. Privé de ses étages supérieurs, totalement reconstruits au 13ème siècle, le chœur de l’abbatiale de Saint-Denis, consacré en 1144 et si novateur par ailleurs, restera à jamais, de ce point de vue, une énigme.

La nef vue du sud-est (2003)
Saint-Germer-de-Fly : la nef vue du sud-est (les arcs-boutants des dernières travées ont été ajoutés tardivement).

En revanche, la présence de tribunes voûtées au-dessus des bas-côtés dans des édifices de la première génération gothique comme les cathédrales de Laon, Noyon ou encore l’abbatiale de Saint-Germer-de-Fly ne rendait pas nécessaire l’utilisation d’arcs-boutants externes. De petits arcs-boutants ou des murs triangulaires dissimulés dans les combles des tribunes suffisaient, avec ces dernières, à stabiliser l’édifice. Dotée également de tribunes voûtées mais ayant perdu son court étage supérieur au début du 16ème siècle, la cathédrale Notre-Dame de Senlis ne devait pas davantage comporter d’arcs-boutants externes.

Dans l’Oise, c’est probablement au chœur de l’église du prieuré de Saint-Leu-d’Esserent, qui compte de nombreux point communs avec celui de Saint-Germain-des-Prés, que l’on voit apparaître les premiers arcs-boutants externes dans les années 1170. Adoptés sans doute en cours de construction, après l’achèvement du déambulatoire, ils sont associés à des arcs-boutants autrefois dissimulés dans les combles de la fausse tribune, selon un schéma à double volée appelé à un grand avenir dès le début du 13ème siècle.

De peu postérieure au chœur de Saint-Leu-d’Esserent, la nef d’Angicourt adopte, malgré sa petite taille, des arcs-boutants dont les caractéristiques – volée en forme de quart de cercle en partie inférieure, à simple plate-bande en partie supérieure, culée ne dépassant pas le point de retombée de l’arc – sont celles des premiers arcs-boutants externes, tels que rencontrés à la prieurale. Il y a là davantage un désir d’imitation des grands édifices qu’une réelle nécessité technique.

SOISSONS-Aisne-Cathedrale-Arc-boutant
Soissons (Aisne) : arcs-boutants du choeur (vers 1200).

On se rappellera à propos que nombre d’édifices de la première moitié du 12ème siècle pourvus de voûtes d’ogives ne possèdent pas d’arcs-boutants externes malgré des dimensions parfois respectables, à l’image de la nef de Saint-Etienne de Beauvais ou, un peu plus tard, de l’église disparue de Saint-Evremond de Creil. Ainsi en est-il du choeur de Précy-sur-Oise (les deux arcs-boutants visibles au sud ne datent que du 16ème siècle et il n’y en a pas au nord) et, dans les années 1230, du choeur de Cambronne-les-Clermont où les bas-côtés ne sont que d’un tiers moins élevés que le vaisseau central, permettant ainsi d’épauler d’une manière satisfaisante les voûtes de ce dernier. Bien que d’un usage devenu courant à la fin du 12ème siècle, l’arc-boutant externe ne constituait donc pas un point de passage obligé pour la stabilisation du vaisseau central des édifices.

Avec l’arc-boutant à double volée, mis au point au chœur de la cathédrale de Soissons à la charnière des 12ème et 13ème siècles et suivi de près par les cathédrales de Chartres et Bourges, une étape décisive sera franchie dans la technique de contrebutement des hauts vaisseaux. Ce dispositif permettra, à la fois, d’assurer le mur gouttereau au point où celui-ci reçoit le maximum de la poussée exercée par la voûte et de le stabiliser en partie supérieure, là où la pression du vent est très forte.

Il permettra également un développement considérable de la fenêtre qui se substituera petit à petit au mur gouttereau jusqu’à occuper tout l’espace disponible entre les retombées des voûtes dans une structure réduite à ses éléments porteurs et si justement appelée « à baldaquin ». Totalement libérée de la structure, la fenêtre développera dès lors son réseau en toute indépendance de celui-ci (fenêtre châssis), donnant lieu à des dessins d’une grande variété caractéristiques de la période dite rayonnante de l’architecture gothique, dont la nef de Saint-Denis, dans les années 1230, constitue à la fois la première et le plus emblématique illustration.

Ebauché au chœur de Saint-Leu-d’Esserent, comme on l’a vu, ce dispositif sera parfaitement au point dans la nef, autour des années 1210/1220. Contemporaine de Saint-Leu et sans doute œuvre du même architecte, la nef de Clermont montre le même dispositif, limité toutefois à une partie de son élévation nord, le reste de l’église ayant été très largement reconstruit au 16ème siècle.

L’extrados de l’arc et la culée qui prolonge les contreforts seront désormais coiffés d’une bâtière, un dispositif qui permet d’éloigner les eaux pluviales et que l’on retrouve à Bury, Mello, Mouy ou encore à Agnetz. Souvent, un chéneau sera creusé sur l’extrados de l’arc et conduira à un orifice percé dans la culée afin d’éloigner le plus possible l’eau pluviale de l’édifice, comme on peut le voir, par exemple, à Cires-les-Mello. A Saint-Martin-aux-Bois, un canal conduit directement l’eau depuis la partie supérieure du mur gouttereau, qui forme comme une gouttière, vers l’extérieur en traversant intérieurement le mur, l’arc-boutant et sa culée.

Le chevet vu de l'est (2015)
Beauvais : le chevet vu de l’est (vers 1230-1350).

Après les années 1240, l’arc-boutant externe ne connaîtra plus guère que des évolutions esthétiques, concentrées surtout sur le contrefort et, davantage encore, la culée. De plus en plus haute, dépassant largement le point de retombée de l’arc, celle-ci accueillera souvent un décor chargé de colonnettes, gâbles, pinacles…, à l’image du chœur de la cathédrale de Beauvais, véritable « hymne » à la gloire de l’arc-boutant externe.

Dominique Vermand (2016)

(1) Anne PRACHE, « Les arcs-boutants du XIIe siècle », Gesta, XV, 1976, p. 31-42.

(2) Jacques HENRIET, « La cathédrale Saint-Etienne de Sens : le parti du premier Maître et les campagnes du XIIe siècle », Bulletin monumental, 1982-2, p. 81-174.

(3) Philippe PLAGNIEUX, « L’abbatiale de Saint-Germain-des-Prés et les débuts de l’architecture gothique », Bulletin monumental, 2000-1, p. 6-86.

L'église vue du sud-ouest

Agnetz

Paroissiale Saint-Léger * * *

L'église vue du sud-est (2015)

Angicourt

Prieuré-cure Saint-Vaast * * *

Vue partielle du bras nord du transept et de la nef depuis le nord-ouest (2015)

Beauvais

Paroissiale Saint-Etienne * * * *

La cathédrale vue du sud-est (2015)

Beauvais

Cathédrale Saint-Pierre * * * *

La nef vue du sud-est (2008)

Beauvais/Marissel

Paroissiale Notre-Dame * * *

L'église vue du nord (2015)

Bury

Collégiale Saint-Lucien * * * *

L'église vue du sud-est (2017)

Chambly

Paroissiale Notre-Dame * * * *

L'église vue du nord-est (2001)

Chaumont-en-Vexin

Paroissiale Saint-Jean-Baptiste * * *

L'église vue du sud-ouest (2017)

Cires-les-Mello

Paroissiale Saint-Martin * * *